Toxicologie

Dans la toxicologie, des tests sont réalisés afin de connaître tous les effets toxiques possibles de la substance active et du produit phytopharmaceutique avant qu'il soit commercialisé. Un produit peut être dangereux, mais cela ne signifie pas encore que l'homme ou les animaux courent eux aussi un grand risque. Le risque est effectivement le danger multiplié par la probabilité d'être exposé à ce danger.

Risque = danger x exposition

C'est pourquoi outre chaque évaluation des risques, une évaluation de l'exposition est aussi réalisée.

Substances actives

On étudie sur la base d'études toxicocinétiques comment la substance est assimilée et rejetée et quels sont les produits de dégradation, généralement chez le rat, mais, s'il y a des espèces plus sensibles, également chez la souris ou le chien. C'est sur cette base que l'on détermine quelles sont les espèces qui doivent subir des tests plus approfondis. Le rat et le chien sont par précaution toujours testés.

Le risque d'intoxication aigu est tout d'abord défini : la toxicité via l'exposition unique par toutes les voies d'assimilation (la bouche, la peau, les poumons).
Sur la base de ces données, la toxicité après exposition répétée est définie : sous-aiguë (28 jours) et sous-chronique (90 jours – 1 an).

Pendant l'évaluation, le risque à long terme est étudié, et ce à différents niveaux. Des études sont menées sur des rongeurs pendant toute la durée de vie, donc 1,5 à 2 ans, afin d'étudier l'effet cancérigène possible de la substance active. Une étude de reproduction, englobant deux générations de rats, ainsi que des études consacrées à l'effet sur le développement (tératogénicité) chez le rat et le lapin sont également menées.

En fonction du type de substance, il est également possible de demander des études couvrant le risque pour le système nerveux (chez les adultes ou le fœtus), ou éventuellement pour le système endocrinien ou pour le système immunitaire.

Enfin, on évalue aussi quel est l'effet de la substance pour influencer le matériel génétique des cellules de mammifères, aussi bien in vitro (sur les bactéries, les lignées cellulaires ou les cellules sanguines humaines) qu’in vivo (sur les organismes complets).

Pour les substances qui peuvent endommager le matériau héréditaire, on ne peut jamais définir un niveau d'exposition acceptable selon les avis prédominants. De même, les substances qui seraient clairement cancérigènes, qui entraîneraient des anomalies congénitales ou des problèmes de fertilité chez l'homme ne sont pas considérées comme pouvant être utilisées en toute sécurité.
De telles substances n'entrent en aucun cas en considération pour une approbation. Une exception peut être faite pour les substances cancérigènes ou reprotoxiques auxquelles l'exposition serait négligeable.

Il est important que tous les tests toxicologiques se déroulent obligatoirement suivant les conditions des bonnes pratiques de laboratoire, un système de qualité offrant les plus grandes garanties pour la bonne exécution de l'étude, ainsi que pour un rapportage précis et vérifiable des résultats de l'étude. Outre les études réalisées par le demandeur, tous les articles et livres publiés et pertinents, tirés de la littérature scientifique publique, sont consultés en tant que source d'information complémentaire.

On peut raisonnablement affirmer que l'ensemble de ces études permet d'évaluer correctement le risque que représentent ces produits, et ce aussi bien pendant les phases les plus critiques que pendant toute la durée de vie d'un homme.

Un élément crucial dans l'évaluation toxicologique est que pour chaque substance et pour chaque phase critique, une valeur seuil peut être définie, sous laquelle aucun effet néfaste n'est attendu.

Des doses de référence (quelle dose est sûre ?) sont tirées des données issues des recherches sur les animaux susmentionnées, qui sont ensuite comparées aux niveaux d'exposition estimés (à quelle dose suis-je exposé ?) dans la nourriture et l'environnement.

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Risque pour le consommateur

Les pouvoirs publics évaluent les risques d'exposition de courte et de longue durée aux substances actives via l'alimentation.

En ce qui concerne l'exposition de longue durée, on détermine quelle quantité de la substance correspondante le consommateur peut ingérer quotidiennement pendant toute sa vie sans courir de risque significatif. Cette « dose journalière acceptable » (Admissible Daily Intake ou ADI) est exprimée en milligramme par kilogramme de poids corporel par jour. L'évaluateur tire des études toxicologiques le niveau d'exposition le plus élevé, où aucun effet néfaste n'est observé chez les animaux de laboratoire les plus sensibles. L'ADI est calculée sur cette base, en appliquant des facteurs d'incertitude qui compensent les différences entre l'animal et l'homme d'une part, et entre les hommes entre eux d'autre part. Un facteur d'incertitude d'au moins 100x est appliqué sur les résultats obtenus, mais des facteurs supérieurs sont si nécessaire étudiés au cas par cas.

Ensuite, l'évaluateur réalise une première évaluation globale de la quantité de substance active qu'un consommateur peut ingérer via son alimentation. Pour des raisons de sécurité, on part de la situation d'exposition la plus défavorable (worst case), ce qui signifie une consommation élevée et de fortes teneurs en pesticides. La consommation par notamment de jeunes enfants (les personnes les plus sensibles) fait l'objet d'une considération séparée. Ce niveau d'exposition estimé est comparé au niveau jugé sûr. Ce n'est que si cette exposition reste inférieure à l'ADI que la substance peut être approuvée.

D'autre part, il est aussi possible qu'une denrée alimentaire, consommée lors d'un ou plusieurs repas, contienne parfois plus de substance active que ce que l'on peut ingérer en moyenne. C'est surtout important pour les pesticides présentant une toxicité aiguë élevée. Afin de protéger le consommateur contre les pics d'exposition, une « dose de référence aiguë » (Acute Reference Dose – ARfD) est également définie pour ces substances, outre l'ADI. Il s'agit de la quantité d'une certaine substance que le consommateur peut ingérer sans risque significatif durant un repas ou une journée. La méthode de définition d'une ARfD est la même que celle employée pour la définition d'une ADI, à cette différence que l'on se base pour l'ARfD sur un effet toxicologique nocif aigu et non pas chronique.

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Risque pour l'applicateur, le passant, le travailleur et le riverain

Par ailleurs, durant la procédure d'autorisation pour les produits phytopharmaceutiques, on étudie l'exposition (par inhalation ou contact cutané) des applicateurs et des travailleurs chargés de différentes tâches, comme la manipulation des plantes traitées, mais aussi des passants et des riverains. Des modèles d'exposition empiriques sont utilisés à cet effet et sont basés sur des résultats d'exposition après pulvérisation, par exemple en plein champ ou dans des serres. Il est important d'indiquer qu'aussi bien les modèles que les données sous-jacentes sont actuellement en révision, afin d'obtenir un affinement de l'évaluation de l'exposition humaine.

Pour nous permettre d'évaluer si l'exposition est acceptable, les valeurs de l'exposition interne chez l'homme sont comparées à la valeur de référence AOEL (Acceptable Operator Exposure Level), obtenue sur la base de la dose la plus élevée et la plus pertinente, où aucun effet n'a été observé dans l'étude de toxicité orale répétée et où l'on tient encore compte d'un facteur de sécurité suffisamment élevé (comme pour l'ADI ou l'ARfD). Pour définir l'exposition interne de l'homme au produit phytopharmaceutique, le degré d'absorption de la formulation (aussi bien le concentré que le produit dilué) est défini pour chaque produit sur la base des essais in vivo réalisés sur le rat et/ou des essais in vitro réalisés sur la peau de l'homme et/ou du rat.

Des modèles sont aussi développés pour évaluer les effets combinés dans les denrées alimentaires avec des substances résiduelles provenant de différents produits phytopharmaceutiques.

A terme, cela sera aussi possible pour l'exposition agrégée, donc via différentes voies : via l'alimentation, l'environnement et l'exposition liée au travail. La plupart des évaluateurs partent du principe que les marges de sécurité actuellement appliquées sont tellement grandes que l'exposition « combinée » sera dans la grande majorité des cas acceptable pour la santé humaine, d'autant plus que ces dernières années, les quantités de substances pulvérisées mises en œuvre sont revues à la baisse et que suite à la combinaison des substances (pour éviter la résistance), les doses individuelles par traitement sont inférieures.

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Formulation (produit phytopharmaceutique)

Avant d'être autorisé sur le marché, chaque produit phytopharmaceutique (= substance active + additifs) est soumis à de nombreux tests (identité, physico-chimie, toxicologie, écotoxicologie, parcelle dans l'environnement, exposition humaine, efficacité), en fonction de la bonne pratique agricole, qui est propre à chaque Etat membre de l'Union européenne vu les différences de climat et de nature du sol. Etant donné qu'il existe déjà un vaste ensemble de données sur la toxicologie au niveau de la substance active, on se limite au niveau du produit phytopharmaceutique aux tests relatifs aux effets aigus, aux irritations (peau, yeux) et à l'hypersensibilité de la peau. On tient ainsi compte des propriétés toxicologiques de tous les composants du produit final (certains co-formulants ne sont actuellement plus autorisés sur cette base et également sur la base d'autres données toxicologiques jusqu'à présent connues au niveau de la substance).
Les autorités européennes travaillent en outre sur le développement de stratégies d'évaluation plus complexes pour tenir compte des effets synergétiques ou cumulatifs possibles afin de mieux couvrir les risques des « effets de cocktail ».

Il convient de noter à ce niveau qu'il est scientifiquement possible de mesurer des teneurs toujours plus faibles en substances résiduelles dans l'alimentation et l'environnement. Il est toutefois erroné d'en conclure que ces résidus seraient par définition néfastes pour la santé. Certaines publications font en effet mention d'un possible effet néfaste de certaines substances ou combinaisons de substances à « faible dose ». Il n'existe toutefois aucun consensus sur la toxicité présumée à « faibles doses ». Un effet observé à « très faibles doses » peut correspondre à une simple réaction physiologique normale sans conséquence néfaste. Avant de se prononcer à ce propos, il est opportun d'élaborer des stratégies d'évaluation pour les effets cumulatifs (comme décrit ci-dessus) et d'en étudier l'impact, et ce non seulement pour les produits phytopharmaceutiques, mais aussi pour chaque polluant ambiant (air ambiant, produits d'entretien, additifs et contaminants alimentaires, biocides, etc.). Une telle évaluation des risques cumulatifs est toutefois très difficile vu le niveau de détail et la complexité des dossiers toxicologiques. Les connaissances actuelles sur les mécanismes de fonctionnement toxicologiques ainsi que sur les interactions complexes possibles avec toutes les autres substances auxquelles nous sommes exposés sont en outre insuffisantes pour tirer des conclusions sensées.

Nous pouvons en conclure que les évaluateurs fédéraux sont conscients de l'incertitude des effets à faible dose et des effets cumulatifs, sujet auquel une attention spéciale est accordée au niveau européen, en particulier par l'EFSA. Ces stratégies d'évaluation seront si nécessaire adaptées sur la base des progrès scientifiques. Cela ne concerne pas uniquement des problèmes liés aux produits phytopharmaceutiques, mais aux substances chimiques en général.

L'actuelle évaluation est toutefois basée sur le principe (toujours) généralement accepté de la dose-effet. En sachant qu'il existe toujours une grande marge de sécurité entre les doses auxquelles les utilisateurs et les applicateurs pourraient être exposés et les doses de référence (doses sûres), il est justifié de conclure (dans des conditions d'utilisation correctes) qu'une substance, voire une combinaison de substances, n'entraîne pas de risques inacceptables.

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Etiquetage des formulations

Grâce aux efforts des institutions publiques normatives et de contrôle, la sécurité de l'utilisateur est garantie. Les applicateurs, qu'ils soient professionnels ou amateurs, doivent toutefois être correctement et complètement informés des risques possibles que présentent les produits. Sur la base de toutes les études (toxicologie, physico-chimie et écotoxicologie ou comportement dans l’environnement), des symboles de danger ainsi que des phrases de sécurité et d'avertissement sont également imposés à cet effet. Chaque autorisation comprend toutes les informations légales que les titulaires d'autorisation doivent reprendre sur leur étiquette commerciale. Aussi bien l'étiquette que les fiches de sécurité (devant être fournies avec chaque produit pour les professionnels) représentent les pierres angulaires de cette communication sur les dangers.

Il incombe aux pouvoirs publics, aux titulaires d'autorisation, aux distributeurs et aux vendeurs de les communiquer clairement à l'utilisateur. Inversement, il incombe à l'utilisateur d'appliquer correctement le produit et de se protéger lui-même ainsi que toutes les personnes potentiellement concernées afin de limiter autant que possible les risques.

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Soins a posteriori

Les vastes dossiers d'évaluation sont la base de l'utilisation sûre des produits phytopharmaceutiques. Cela ne signifie toutefois pas qu'aucune évaluation a posteriori ne doit être réalisée. Aussi bien au niveau européen que national, les formulations et les substances actives sont à nouveau évaluées tous les 10 (première révision) ou 15 (révisions ultérieures) ans. Chaque effet nocif pertinent possible est en outre rapporté dans la littérature scientifique (dont les données épidémiologiques pertinentes) ou dans le rapportage des études menées par les entreprises phytopharmaceutiques elles-mêmes, suivies de près par les autorités compétentes. Les informations pertinentes recueillies à partir d'accident impliquant des produits phytopharmaceutiques pourraient être utiles à cet effet.
Chaque nouvel effet ou effet pertinent, tant vis-à-vis de la santé humaine que de l'environnement, est évalué et peut entraîner le retrait des autorisations.

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